Une loi inédite impose la préinstallation de l’application de messagerie MAX et de la boutique RuStore sur tous les appareils vendus en Russie, y compris iPhone. Décryptage d’une mesure qui enterre définitivement la neutralité technologique et accélère l’isolement numérique du pays.
MOSCOU – À partir du 1er septembre 2025, tout téléphone ou tablette vendu en Russie devra intégrer MAX, une messagerie instantanée développée avec le soutien direct du Kremlin, et RuStore, la boutique d’applications nationale. Une décision politique sans précédent qui marque un tournant dans la conception russe du numérique : désormais, tout appareil connecté sera considéré comme une extension de la souveraineté étatique – et potentiellement, de sa surveillance.
1. Une décision politique, pas technologique
Le décret, signé ce mercredi par le régulateur Roskomnadzor, ne repose sur aucune justification technique. Il s’inscrit dans le cadre de la doctrine de « l’Internet souverain », adoptée en 2019 et radicalisée depuis le conflit en Ukraine. MAX, présentée comme une alternative « sécurisée » à WhatsApp, a été développée par VK Group – un géant technologique détenu par des proches du pouvoir.
« C’est une étape supplémentaire vers la mainmise totale sur les communications numériques », analyse Ivan Pavlov, avocat spécialiste des droits numériques exilé en Géorgie. « Le gouvernement ne se contente plus de bloquer – il oblige désormais à utiliser ses propres outils. »
2. RuStore perce enfin le jardin clos d’Apple
Jusqu’ici, les iPhone échappaient à l’obligation de préinstallation. C’est terminé : Apple a dû plier. La firme californienne, sous pression depuis le blocage de l’App Store local en 2022, a accepté d’intégrer RuStore – une première mondiale.
Avec 55 millions d’utilisateurs mensuels et 220 000 applications, RuStore est devenu le fer de lance technologique de Moscou. « C’est une victoire symbolique majeure pour le Kremlin », estime Natalia Krapiva, conseillère juridique de l’ONG Access Now.
3. MAX, une « sécurité » sous condition
Ses serveurs sont hébergés en Russie et son chiffrement propriétaire n’a jamais été audité indépendamment. Pire : une clause des conditions d’utilisation autorise explicitement le transfert des données aux « organes compétents de l’État ».
« Ils promettent la sécurité, mais livrent un mouchard », résume un ingénieur russe en sécurité ayant requis l’anonymat par crainte de représailles.
4. Le long bras armé de Roskomnadzor
Cette mesure s’accompagne d’un renforcement des restrictions contre WhatsApp et Telegram, accusés de « entraver la lutte antiterroriste ». Depuis juin, l’envoi de médias et la création de groupes de plus de 100 personnes y sont filtrés.
5. Conséquences géopolitiques
La Russie rejoint ainsi le cercle très restreint des pays imposant techniquement leurs standards numériques – aux côtés de la Chine et, dans une moindre mesure, de l’Iran. « Nous assistons à une balkanisation technique du Net », conclut un rapport de l’Internet Society publié ce matin.
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Les 5 points clés à retenir
1. Obligation : MAX + RuStore préinstallés sur tout appareil vendu en Russie
2. Cible : iOS et Android concernés sans exception
3. Calendrier : Application à partir du 1er septembre 2025
4. Contexte : Restrictions accrues contre WhatsApp/Telegram
5. Enjeu : Contrôle étatique vs libertés numériques